dimanche 26 janvier 2014

Charles de Morny (1811-1865) met en oeuvre ses idées sur la modernisation du pays avec l'aide des frères Emile (1800-1875) et Isaac Pereire (1806-1880).

Portrait en buste du duc de Morny, par Henri Frédéric Iselin (1825-1905).
Marbre conservé au château de Compiègne (n° d'inventaire : IMP.17 ; H. : 84 cm).

"Morny veut s'enrichir mais aussi mettre en œuvre ses idées sur la modernisation du pays. En réalité il veut accompagner la prospérité de la France ; il s'est notamment mis en tête de développer les lignes du télégraphe électrique. Il a compris que ce moyen rapide d'information sera très utile à l'essor de l'industrialisation et du commerce. Mais ce sont les chemins de fer qui vont lui permettre d'illustrer sa conception des liens étroits qui peuvent se nouer entre intérêts publics et intérêts privés. Il va participer à leur développement en en tirant le plus grand profit personnel. Il a partie liée avec les frères Pereire fondateurs du Crédit mobilier, au centre des grandes manœuvres industrielles et des spéculations. Cette banque va en effet être l'outil privilégié du nouveau régime. C'est elle qui se chargera de financer l'extension du réseau ferré et encouragera toutes les industries qui en dépendent. Les frères Pereire justifiaient ainsi la création la création du nouvel organisme financier : "Il faut travailler au développement de l'industrie nationale, faciliter la création et l'exercice des grands entreprises, s'intéresser aux affaires en cours déjà fondées par l'acquisition de leurs actions ou par la souscription de leurs obligations, s'attacher de préférence aux entreprises qui présenteraient un caractère d'utilité publique. Dans les temps prospères, la société doit être un guide pour les capitaux empressés de trouver un emploi productif ; dans les temps difficiles, elle peut offrir des ressources précieuses pour maintenir le travail et modérer les crises qui sont le résultat d'un brusque resserrement de capitaux." Un projet, on le voit, teinté de cet idéalisme saint-simonien dont les frères Pereire avaient subi l'influence.
La banque, qui entre en rivalité avec les Rothschild, va étendre son influence de manière considérable. Elle ne tardera pas à contrôler de nombreuses sociétés de chemin de fer à l'étranger, aussi bien en Espagne qu'en Russie ou en Autriche.

Émile Pereire, créateur et directeur du chemin de fer Paris-Saint-Germain-en-Laye 
(négatif monochrome sur support verre. Atelier de Nadar. N° d'inventaire : NA23700403G.
Charenton-le-Pont, Médiathèque de l'Architecture et du Patrimoine),
et,
Isaac Pereire 
(négatif monochrome sur support verre. Atelier de Nadar. N° d'inventaire : NA23700406G.
Charenton-le-Pont, Médiathèque de l'Architecture et du Patrimoine).
 
Morny siège dans de nombreux conseil d'administration de sociétés ferroviaires. Vice-président du conseil de surveillance de la société Paris-Orléans, actionnaire de Lyon-Avignon, il est président de l'association des magnats du chemin de fer. Il souhaite bien s'étendre sûr étendre le réseau ferré en Auvergne. Pour favoriser cette entreprise, le Crédit mobilier avec le renfort de capitaux anglais va créer la Compagnie du chemin de fer grand central de France. Le conseil d'administration est bien entendu présidé par Morny. Les actions du Grand Central connaissent un succès inouï. Près de neuf cents kilomètres de voies ferrées doivent être construites, apportant aux industries des régions du centre de la France des possibilités nouvelles. L'industrie lourde est a première bénéficiaire, mais aussi les usines de produits manufacturés.
En véritable novateur, Morny comprend que le chemin de fer va entraîner un changement profond dans les moyens de communication. Il cherche à associer l'extension du réseau ferroviaire à celle du réseau télégraphique. C'est également lui qui accorde une concession à l'éditeur Louis Hachette pour la création des Bibliothèques de gare.

Comte de Morny, homme politique, ministre, président de la Chambre, né en 1811 mort le 10 mars 1865,
 photographie d'André-Adolphe-Eugène Disdéri (1819-1889) qui est une épreuve sur papier albuminé
(n° d'inventaire : PHO1995-29-36. H. : 8,2 cm, L. : 5,5 cm. Acquise en 1995. Paris, musée d'Orsay).

Il est l'un des premiers à avoir vu l'intérêt des fusions afin de créer de puissants monopoles. Il a clairement exprimé sa pensée à la Chambre sur ce point : "Le chemin de fer par lui-même est un monopole ; il n'a de frein que son cahier des charges ou son propre intérêt : lorsqu'il est mal construit, mal entretenu, mal dirigé par ne compagnie pauvre, écrasée par des frais généraux, alors il devient un véritable et dangereux monopole, car il lutte contre sa propre misère, cherche des bénéfices dans l'exagération de ses tarifs et nuit à l'intérêt général. Au contraire, si la compagnie est puissante, si elle jouit d'un grand crédit, elle peut librement tenter des améliorations, poursuivre ses embranchements, faire des sacrifices pour aller chercher au loin des voyageurs et les marchandises, et oser des réductions de tarifs dont les résultats lucratifs ne sont souvent à recueillir que plus tard pour elle-même. En redoutant les grandes compagnies dirigées par des hommes considérables, offrant à l’État et au public plus de garanties et de sécurité, les anciennes assemblées se sont effrayées d'un fantôme." Avec une sorte de boulimie, Morny fait absorber par le Grand Central toutes les sociétés, mines, hauts-fourneaux, aciéries, nécessaires au développement  ferroviaire. Mais le projet le plus ambitieux du Grand Central sera l'installation du réseau espagnol, projet qui sera contrecarré par les aléas de la politique.

Armes du duc de Morny, gouache avec rehauts d'or
(n° d'inventaire : CMV.3964. H. : 27,4 cm, L. : 21,5 cm. Compiègne, musée de la voiture).

Tout à sa fringale d'opérations financières et industrielles qui lui permettent de restaurer sa fortune mise à mal, Morny n'a pas tardé à retrouver le chemin de l’Élysée."

Source :  Jean-Marie Rouart, Morny, un voluptueux au pouvoir, éd. Gallimard, coll. nrf, 1995, p.172-174.

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